Les abbayes de Côte-d’Or. Piété et pouvoir (page 3/6)
Pouvoirs et piété monastiques : organisation et réalité

Liste des documents exposés sur cette page : 

Saint Bénigne de Dijon

« Constitution bénédictine » (statuts de l’ordre) promulguée par le pape Benoît XII, 1336

A.D.C.O., 1 H 71

 

 

Notre-Dame de Cîteaux

Notice rapportant la fondation de l’abbaye, 1098-1100

(copie XIIIe siècle dans le Cartulaire de Cîteaux)

A.D.C.O., 11 H 63 (Cart. 169)

 

 

  

Évangile selon saint Matthieu

Double feuillet d’un évangéliaire carolingien, origine inconnue, IXe siècle

A.D.C.O., 1 F 305

 

 

  

Abbaye Notre-Dame de Fontenay

Second cartulaire, XIIIe siècle

A.D.C.O.,  15 H 9 (Cart. 201)

 

 

Abbaye Notre-Dame de Molesme

Privilège confirmant les droits et les biens de l’abbaye, délivré par le pape Eugène III, 1145

A.D.C.O., 7 H 20

 

 

Abbaye Notre-Dame de Cîteaux : monuments pieux

Dessin de J.-B. Peincedé, 1791

(inventaire pour la vente de biens nationaux).

A.D.C.O., 1 Q 824

 

 Antiphonaire (recueil de chants liturgiques)

Feuillet de manuscrit d’origine inconnue, non daté

(réutilisé comme couverture de registre).

A.D.C.O., B II 24/105 

 

 

 

Dessin grisé et couleurs pour la voûte de la nef, signé Jean Tassel et Antoine Nicolas, 1648

A.D.C.O., 88 H 1101/4


 

Esquisse d’un tableau sur la vie de Mère Angèle, pour le chœur de l’église,

par Sébert, peintre à Paris, 1724-1725

A.D.C.O., 88 H 1101/2

 

 

 

Esquisse pour une déposition de croix, auteur anonyme, XVIIIe siècle

A.D.C.O., 88 H 1101/1

Dessin d’un projet de maître autel à baldaquins, auteur anonyme, XVIIIe siècle

A.D.C.O., 88 H 1101/3

 

 

Pouvoirs et piété monastiques : organisation et réalité


L’organisation des abbayes repose sur deux piliers : la règle et la charte de fondation. Ensuite, des statuts, des coutumiers, viennent préciser, au cas par cas ou par ordre, les conditions du fonctionnement pratique des établissements. Ainsi les abbayes vivent-elles organisées par un droit monastique qui leur assure puissance et renommée et qui connaît des réformes jusqu’en 1791. 


 


Saint Bénigne de Dijon

« Constitution bénédictine » (statuts de l’ordre) promulguée par le pape Benoît XII, 1336

A.D.C.O., 1 H 71


Les ordres monastiques obéissent à des règles écrites très strictes, dérivant pratiquement toutes, à partir du VIIIe siècle, de celle de saint Benoît de Nurcie, dite règle bénédictine (qui remontait au VIe siècle) ou de celle de saint Augustin (Ve siècle). Elles fixent l’ensemble des principes donnés comme modèles réglementant la vie des religieux dans leur ordre. Si plusieurs ordres adoptent une même règle (les Clunisiens et les Cisterciens appliquent la règle de saint Benoît par exemple), ils singularisent leur organisation par des statuts spécifiques précis, reconnus par le pape, comme la Charte de Charité due à Etienne Harding, véritable droit constitutionnel pour l’ordre de Cîteaux. Les abbayes bénédictines rattachées à Cluny possèdent parfois des statuts personnels reconnus par le pape.

Cette constitution bénédictine, précisant le cadre de la vie matérielle et spirituelle des moines, représente le nouveau cadre institutionnel pour l’abbaye Saint-Bénigne qui cherche à contrer la détresse qu’elle connaît au XIVe siècle. 

 

 

Notre-Dame de Cîteaux

Notice rapportant la fondation de l’abbaye, 1098-1100

(copie XIIIe siècle dans le Cartulaire de Cîteaux)

A.D.C.O., 11 H 63 (Cart. 169)


Chaque abbaye possède une charte de  fondation, son acte de naissance. Si peu de ces documents sont conservés sous la forme d’originaux, on les trouve généralement dans les cartulaires, recueils rassemblant les copies de chartes ou de titres souvent fonciers, destinés à faciliter la préservation, la gestion, la reconstitution des patrimoine et la revendication des droits concernant les abbayes.

Ainis ce cartulaire de Cîteaux, copié au XIIIe siècle, contient-il un exemplaire de la charte de fondation du Nouveau Monastère, Cîteaux. Dans ce texte apparaissent :

— les motivations de Robert de Molesme et de ses moines ;

— celles des donateurs de l’alleu appelé Cîteaux, nom qui se substituera dès 1119 à l’appellation initiale de Nouveau Monastère : le salut de leur âme ;

— la référence à Notre-Dame, « Reine du ciel et de la terre », à laquelle l’abbaye sera consacrée ;

— l’indépendance  de la fondation installée sur un alleu, une terre libre, sans seigneur et placée sous la protection de Rome. 

Ce cartulaire constitue un exemple de l’écriture dépouillée des copistes de Cîteaux, qui contraste avec les manuscrits très décorés produits par les Bénédictins.  

  

Évangile selon saint Matthieu

Double feuillet d’un évangéliaire carolingien, origine inconnue, IXe siècle

A.D.C.O., 1 F 305


Les Carolingiens favorisent l’adoption de la règle de saint Benoît pour homogénéiser le monde monastique, mieux le contrôler et l’utiliser. Cette règle prévoit pour les moines la pratique du travail manuel, activité jugée vile pour un homme important depuis l’Antiquité, donc rédemptrice. Pour prier, les moines ont besoin de livres. La copie entre alors dans les activités manuelles prévues dans les monastères, favorisée par la maîtrise de la lecture et de l’écriture par les moines, issus de la noblesse lettrée. Lieu de prière, foyer d’études, liée à la cour impériale, une abbaye carolingienne constitue aussi un centre de production du livre sacré et liturgique.

Cette page enluminée de pourpre et d’or appartenait à un livre rare, sacré, nécessaire aux offices pompeux bénédictins ou à la prière. Elle provient sûrement du scriptorium de l’école de l’abbaye Saint-Martin de Tours, qui, au IXe siècle, fut l’un des principaux centres de diffusion de ce que l’on a qualifié de « Renaissance carolingienne ». Cette première page de l’Évangile de Matthieu débute par des lettres enluminées, véritable travail d’orfèvre, formées de rubans à entrelacs, de motifs végétaux très colorés, manifestant une inspiration orientale, byzantine, hellénistique.

Après ces deux belles lettres enluminées, L et I, viennent, nettement calligraphiées, des lettres en or : B E R G E , puis N E R A T I, puis O N I , etc. : il s’agit en effet du livre de la généalogie du Christ avec David, Abraham (Liber generationis). Cet enrichissement des lettres doit mettre en valeur le caractère sacré du texte et la personnalité éminente du commanditaire qui utilise les talents des copistes et des enlumineurs de ce scriptorium.

Malgré ses altérations dues à son réemploi comme couverture de reliure, ce document du IXe siècle reste exceptionnel et témoigne des formes de liturgie et de foi avant l’an Mil. Mais le travail des copistes évolue. 

  

 

Abbaye Notre-Dame de Fontenay

Second cartulaire, XIIIe siècle

A.D.C.O.,  15 H 9 (Cart. 201)

 

Exemple du travail du scriptorium de l’abbaye Notre-Dame de Fontenay fondée en 1119 par des Cisterciens envoyés de Clairvaux par saint Bernard. L’écriture dépouillée obéit aux principes d’économie, de sobriété de l’ordre, avec une calligraphie claire et des enluminures réduites par l’utilisation de deux couleurs seulement : elle tranche face au luxe bénédictin.

  

Abbaye Notre-Dame de Molesme

Privilège confirmant les droits et les biens de l’abbaye, délivré par le pape Eugène III, 1145

A.D.C.O., 7 H 20

 

Cet acte de format imposant émane d’un pape cistercien, proche de saint Bernard, et énumère les droits et possessions de l’abbaye Notre-Dame de Molesme, l’une des plus importantes du nord de la Bourgogne. Le pape reconnaît le patronage de l’abbaye sur plus de soixante-quatre localités apparaissant ici pour le seul diocèse de Langres qui s’étendait sur des parties de quatre départements actuels (de Coiffy à Chaumont, de Selongey à Autricourt) Le document, témoin des relations suivies entre la papauté et les abbayes, gage de leur liberté et de leur puissance, porte notamment la rota (cercle) pontificale et constitue un bel exemple de la calligraphie de la chancellerie pontificale.   

  

 

Abbaye Notre-Dame de Cîteaux : monuments pieux

Dessin de J.-B. Peincedé, 1791

(inventaire pour la vente de biens nationaux).

A.D.C.O., 1 Q 824

Châsse des saintes Palladie et Samnie.

Par souci de pureté, une abbaye cistercienne ne doit pas abriter de restes humains. Mais dès 1150, une dérogation permet l’accueil de reliques et sépultures, comme pour la plupart des ordres monastiques. Le très haut degré de perfection chrétienne atteint dans sa vie par un personnage canonisé en fait un intermédiaire divin privilégié pour l’Eglise et les hommes. Prier devant ses reliques peut permettre l’intervention du saint en faveur du salut des âmes. L’installation de reliques dans le chœur de l’abbatiale renforce ainsi le pouvoir d’intercession de la communauté, donc son prestige auprès des contemporains. Malgré leur volonté de pureté, les Cisterciens cèdent devant une piété populaire encore fruste.

 


 Quelques indications sur les deux saintes ?? 

Tombeau du duc de Bourgogne Hugues III.

Au même titre, posséder sa sépulture dans une abbatiale prestigieuse renforce les chances d’obtenir le salut. Ainsi la dynastie capétienne des ducs de Bourgogne (1031-1361) choisit-elle Cîteaux pour nécropole en échange de dons qui augmentent les propriétés de l’abbaye  

  

 

Antiphonaire (recueil de chants liturgiques)

Feuillet de manuscrit d’origine inconnue, non daté

(réutilisé comme couverture de registre).

A.D.C.O., B II 24/105


Les abbayes pratiquent une liturgie où les chants soutiennent la ferveur religieuse. Toutes les prières sont chantées. Les institutions religieuses réalisent et conservent  des livres de chants, mais les moines doivent connaître les psaumes par cœur. La notation du chant grégorien se caractérise par l’absence de barres de mesures, par une portée de quatre lignes, par une notation carrée et par l’utilisation de la clef d’ut.

 


Couvent des Ursulines de Dijon : église, ornementation intérieure 


L’exigence de foi des sociétés fait évoluer piété et pratiques religieuses : l’Eglise tente de les organiser et les contrôler lors des conciles. La décoration poursuit son rôle de persuasion et éducation religieuses, loin de l’austérité de l’Eglise primitive.

Les différents projets de décoration intérieure prévus pour l’église des Ursulines montrent l’influence de la réforme catholique, dès le XVIIe siècle, après le concile de Trente, sur l’expression de la piété et les pratiques religieuses, avec un parti pris radicalement différent de celui préconisé par Bernard de Claivaux. 


 

Dessin grisé et couleurs pour la voûte de la nef, signé Jean Tassel et Antoine Nicolas, 1648

A.D.C.O., 88 H 1101/4

 

Les Ursulines sollicitent en 1648 un peintre local renommé, Jean Tassel, pour décorer la voûte et les parois de la nef de leur église. Des motifs très colorés, d’inspiration italienne, doivent prouver par leur beauté, leur éclat, le triomphe du catholicisme sur le protestantisme.

  

 

Esquisse d’un tableau sur la vie de Mère Angèle, pour le chœur de l’église,

par Sébert, peintre à Paris, 1724-1725

A.D.C.O., 88 H 1101/2


Le peintre propose un devis pour un tableau représentant la fondatrice des Ursulines, Angèle Mérici. Cette mystique, inspirée par la devotio moderna relue par les Jésuites, incarne ici cette union passionnée avec le Christ, auquel la fondatrice s’abandonne dans une extase, recherche d’une union intime qui assure le salut. Elle est proposée en modèle de vie aux pensionnaires et aux religieuses.


 

 

Esquisse pour une déposition de croix, auteur anonyme, XVIIIe siècle

A.D.C.O., 88 H 1101/1

Le courant de piété doloriste inspire cette scène donnée en méditation.

 

 

 Dessin d’un projet de maître autel à baldaquins, auteur anonyme, XVIIIe siècle

 A.D.C.O., 88 H 1101/3

La richesse du baldaquin réconforte les fidèles sur la force du catholicisme post-tridentin.

 

 

 

Les ordres monastiques exercent des pouvoirs complexes mais qui doivent évoluer face aux mutations de la société qui les soutient, comme les formes de dévotion qu’ils suscitent. Leur impact sur l’économie et les hommes revêt aussi des réalités contraignantes.

 

 

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